Le lien de la fidélité

Tischner 1998
Józef Tischner (Paris, 1998) Photo Marek Wittbrot © Re/cogito

Le concept de dialogue a deux significations. L’une provient de la philosophie grecque, l’autre de la Bible. Dans le sens grec, le dialogue est littéralement „la raison à deux”. Voici deux éléments subjectifs : le Je et le Tu.

J’observe le monde de mon point de vue. Tu l’observes du tien. Comment surmonter cette différence ? Seulement par la raison. Une discussion qui s’appuie sur la raison amène à l’entente. Dans la Bible, la situation se présente de manière similaire et en même temps différente. Voici Dieu et Abraham. Comment vaincre la distance entre Dieu et l’homme ? Afin de vaincre cette distance, il faut choisir. Dieu choisit et l’homme aussi. Le dialogue est un dialogue du choix et en le choisissant la fidélité est née. Lequel de ces « dialogues » est le plus basique ? Sans aucun doute le dialogue de la liberté. Au début, il y a le choix. Ensuite, il y a les mots qui expriment ce choix. Le mot choisit construit le lien. Le lien de la fidélité. La fidélité devient une religion.

Józef TISCHNER

Traduction : Alicja Połap, Karolina Żabicka

Józef Tischner est né le 12 mars 1931 à Stary Sącz et mort le 28 juin 2000 à Cracovie. Il est issu d’une famille de montagnards et a grandi dans le village de Łopuszna dans le sud de la Pologne. Il a fait ses études à l’Université Jagellonne de Cracovie (première année de faculté de droit puis faculté de théologie) et au séminaire de l’archevêché de Cracovie et est ordonné prêtre dans la cathédrale du Wawel en 1955. Dans les années 1970, il collabore avec le mouvement d’opposition démocratique contre le régime communiste de la république populaire de Pologne. En 1980, il est considéré comme l’aumônier officieux du mouvement Solidarność et est salué par le pape Jean-Paul II. Durant les années soixante, il devient une figure familière de la vie intellectuelle de la Pologne. Il publie alors une collection d’essais « Le Monde de l’espérance humaine », dans laquelle il discute avec les philosophes des Lumières et les existentialistes (Sartre), introduit le concept du moi axiologique. La question concernait des concepts tels que la conscience ou la liberté. Dans son essai Impressions axiologique (1970) il présente une description de la source d’expérience le moi comme valeur élémentaire, en opposition à la conception de Husserl sur le moi transcendantal. De cette façon, tout en restant dans la tradition phénoménologique, il commence à tracer son propre chemin original de réflexion philosophique, qui l’a conduit plus tard à la philosophie du drame et de la métaphysique du bien. Dans l’ouvrage Le déclin du christianisme thomiste (1970), il s’interroge sur la primauté de la philosophie thomiste, lui reprochant l’idéologisation de la Révélation. Depuis le différend avec le thomisme dans l’Église polonaise, Józef Tischner prend part à tous les débats à ce sujet, qu’il initie souvent lui-même. Les textes de cette première période de son travail sont contenus dans les livres Le monde de l’espérance humaine (1975) et Penser en termes de valeur (1982). À la fin des années soixante-dix, dans son livre La forme polonaise du dialogue (1979) il engage la polémique avec le marxisme. Dans les livres suivants, Le Don malheureux de la liberté (1999), Au pays de l’imagination maladive (1997) et Le Prêtre égaré (1999) il exprime ses vues sur la construction d’un nouvel ordre social, politique mais aussi éthique. Il continue à travailler à des travaux plus philosophique où il développe sa propre philosophie originale, c’est surtout La Philosophie du drame (1990) et Le différend sur l’existence de l’homme (1998).

Le texte, Le lien de la fidélité, écrit pour „Notre Famille” pallotine, a paru dans le numéro 2 (593), 1994, p.3, du mensuel parisien.

[VI 2015]