Maciej Niemiec in memoriam

Ludwik Lewin, Maciej Niemiec et Adam Zagajewski (Paris, 1994). Photo Marek Wittbrot © Re/cogito

Je ne pourrais pas véritablement parler de rapports amicaux ou d’une relation proche avec Maciej. La plupart du temps je le rencontrais en société, le plus souvent dans l’atelier du sculpteur Paweł Jocz. C’était un habitué et un indéfectible compagnon de nombreuses rencontres littéraires et artistiques. Il y participait activement, prenait facilement la parole. Réservé, il n’évitait pourtant ni les vifs débats, ni les confrontations idéologiques. Ses interventions chauffaient souvent l’ambiance. Néanmoins, il m’a toujours semblé qu’il se cachait derrière un voile, comme pour se protéger contre une trop grande familiarité, ou bien, telle ou telle communauté. Il aimait créer des liens mais paradoxalement il les rejetait aussitôt. Il les fuyait comme le feu, il en avait peur, et il ne voulait pas en dépendre. Celui qui connaissait bien Maciej savait qu’il était habité par des éléments antinomiques. Il pouvait être très chaleureux et très froid, compatissant et impitoyable ; distant et engagé sans réserve. Il blessait et attirait en même temps… exactement comme font ses poèmes. On les explore toujours avec une crainte, le cœur battant, dans l’espoir de ne pas repartir les mains vides.

Je n’ai pu être présente le 7 février [2012] au columbarium du cimetière du Père-Lachaise lorsqu’un petit groupe d’amis faisait ses adieux à l’un des poètes maudits. Quelques jours plus tard, je me trouvais seule devant une niche déjà murée, qui enfermait l’urne cinéraire de Maciej. J’eus l’impression que, parmi les innombrables noms et prénoms, ses initiales gravées sur une simple plaque de bois, avec la date de sa naissance et de sa mort, resteront seules. Cependant, elles ne laisseront personne indifférent.

(2012)

Anna SOBOLEWSKA

Traduction : Agata Judycka

Anna Sobolewska vit et travaille à Paris. Auteur de nombreux articles et d’un livre Paryż bez ulic. Jocz, Niemiec, Urbanowicz i inni (2015).

[XII 2015]