Cinq poèmes en guise d’appeaux

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 Photo Líria Dora Orlowska © Re/cogito

 

I

Lassé des beaux quartiers souvent tu pousses
jusqu’au fond des impasses et des arrière-cours
ta jubilante rhapsodie.

Quand le soleil du soir
s’agenouille sur la colline
en vieux monarque repenti
une prière est sur la ville
qui acquiesce à ton couvre-feu.
Chante, doux muezzin
pour le ravissement, le silence des humbles.
Bonsoir, merle délicieux !

 

II

Etourneaux en maraude au campement du soir :
ce ne sont que palabres dans le cerisier
cliquetis qu’on dirait de rapières (que faire
en attendant la nuit sinon croiser le fer ?)

Voraces étourneaux
bandits, vous n’êtes que bandits
dans vos habits
de hobereaux !

 

III

Trois ramiers survolant la combe
sont alérions sur champ d’azur
quand un bleu d’épaisse résine
semble soudain les arrêter
les figer un instant
en blason de l’été.

 

IV

A présent, la voûte céleste
restée longtemps cachée
nous est un dôme de cristal
sous lequel nous nous tenons
juste à la verticale de Véga
et qu’à minuit les derniers rossignols
d’un pur diamant sonore
vont découper.

Rossignols descendus dans la crypte nocturne
je vous entends :
c’est au verger stellaire
qu’aspire votre chant.

 

V

La plaine est quadrillée où vous allez,
têtus, en vieux grognards durs à la peine,
en roides sentinelles de longtemps
accoutumées aux rigueurs de l’hiver.
Si, à bonne distance, je vous vois,
légion sur les labours gelés cherchant
pitance, de même vous m’avez vu
sortir du bois. Désormais vous m’aurez
à l’œil sans craindre de rester à terre,
sachant, d’un sûr instinct, qui est chasseur
qui ne l’est pas, avant qu’une menace
invisible à mes yeux ne vous disperse
au gré du vent fou qui tantôt vous porte
et tantôt vous chahute, noirs corbeaux.


Michel SIREY

 

 

Co-fondateur en 1968, avec Jean-Marie et Danièle Pierson, du cabaret poétique « Le Hareng-Saur » à Metz (où il est né et a vécu jusqu’à l’âge de 21 ans), Michel Sirey se considère d’abord comme un fervent lecteur de poésie en tous temps et en tous lieux, silencieux ou proférant, dans la solitude comme dans la proximité des regards et des souffles suspendus. Ses compagnons de route se nomment Jean Follain, Léon-Paul Fargue, André Hardellet, Jean Tardieu, Jacques Réda ou Maurice Chappaz… Passionné par la vie des oiseaux, il serait tenté, à la suite d’Adrian Miatlev, de déclarer : « Il n’y a pour moi, il n’y a plus pour moi que les bêtes et les poètes et leur poésie à tous deux ».

[III 2015]